La peur de tout

Il y a deux semaines, j’ai déposé mes boites de livres dans l’auto et j’ai roulé jusqu’à Nominingue. J’y suis allée, même si un serrement compressait ma poitrine, même si tous mes sens m’avertissaient qu’un monstre sanguinaire m’attendait de l’autre côté des montagnes.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu peur de tout. L’école, l’autobus, marcher, magasiner, travailler, conduire… Tout. Au début de la trentaine, j’ai pris conscience que les gens ne vivaient pas dans la terreur comme moi. Encore aujourd’hui, la scène reste nette dans mon esprit : je descendais l’escalier du métro Square-Victoria avec une collègue et dans le flot de la conversation, je lui ai dit que j’avais peur de tout, tout le temps. C’était la première fois que je verbalisais clairement mon état. La première fois où je réalisais que ce n’était pas normal.

Depuis, la route a été longue et sinueuse pour apprivoiser, comprendre, guérir. En chemin, les séances de EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ont été très efficaces et mon changement alimentaire a réduit l’anxiété de 75 %. Comme quoi notre deuxième cerveau, l’intestin et ses milliards d’amis, joue un rôle primordial dans la santé mentale.

Certaines peurs ne me quitteront peut-être jamais, comme celles émanant de la société qui roule à vive allure, qui se réinvente à la seconde, qui nous notifie de dings incessants les bons coups de nos centaines d’amis (me rappelant mon insignifiance par la même occasion). D’autres, celles qui proviennent de mon passé, me guetteront toujours au tournant d’une journée épuisante, au creux de l’hiver ou en route vers un horizon inconnu…

Même si elle se fait plus discrète, je reconnais la peur. Je lui donne sa place, juste la sienne. Je lui dis : « C’est correct d’avoir peur, des fois. C’est humain. » Elle se diffuse, ma cage thoracique se détend, j’ai un moment de répit.

La peur est intimement liée à mon métier. Dès l’adolescence, j’ai géré mes émotions grâce à mon journal, mes poèmes et mes romans. Installée dans ma chambre ou dans une salle de cours, j’ai noirci de nombreuses pages de cahiers à spirale. À l’école, j’ai griffonné mes réflexions dans mes agendas et, bien sûr, quelques centaines de cœurs à l’encre rouge. (Hé, il ne faut pas bouder les plaisirs de l’adolescence !)

Aujourd’hui, lorsque j’écris, j’invente des vies différentes de la mienne ou parallèles. J’explore des contrées lointaines ou intérieures. Je prends une pause de la peur.

Je suis libre.

© Illustration : Karine Raymond (info@karineraymond.com)

Un espace de sécurité

Pour la Saint-Valentin, je ne vais pas parler de chocolats haut de gamme ni de bouquets de roses. J’ai envie simplement de placer l’amour au centre de la fête. L’amour comme il devrait l’être : un espace de sécurité.

Dans notre société où les femmes et les hommes sont encore façonnés par des modèles délétères, le couple est souvent une source de non-dits, de malaises et de conflits. Si dans les films, les engueulades se résolvent au lit jusqu’à un lever de soleil splendide, le quotidien, lui, ne répond pas à des règles aussi faciles.[1]

Pour ma part, j’ai découvert cet espace de sécurité avec mon conjoint. Il écoute, il analyse, il se remet en question, il propose des solutions, il s’engage pleinement à notre bien-être commun. C’était la première fois de ma vie que je bâtissais une relation dans la quiétude, sans la peur.

Mon roman Limonade et kimchi est né de cette expérience nouvelle pour moi, un couple qui se construit sur la confiance et non la violence. J’avais un défi de taille : faut pas que ça soit plate ! C’est pourquoi les conflits intérieurs des personnages viennent pimenter la sauce.

Je vous laisse donc avec un extrait qui m’est cher. Une scène en apparence banale, mais qui montre la tendresse et l’accueil de l’autre. Et je vous souhaite de créer un espace de sécurité dans votre vie.

Dans le calme de la nuit, il entendit Jade murmurer en hoquetant : « Pourquoi je fais toujours fuir les gens que j’aime ? » Sa rancœur s’évanouit d’un coup, comme si la phrase avait réveillé une petite lumière…, un espoir qu’il avait réprimé depuis plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines.

Il redéposa son sac sur le plancher. Jade apparut sous la lumière tamisée de la cuisine. Elle essuyait ses yeux rougis de ses poings cachés dans ses longues manches. Ils se toisèrent, perplexes.

— Je comprends rien à ce qui vient de se passer, dit-il.

— Moi non plus.

Avant que son courage ne s’envole, il avança vers elle, puis l’attira contre son torse. Jade, d’abord crispée contre lui, se détendit et l’enlaça. La chaleur des mains de la jeune femme traversa son chandail tandis qu’il humait la douce fragrance d’eucalyptus qui l’avait intrigué lors de leur rapprochement fortuit au retour de Namsan. Il murmura :

— En fait…, étant donné que j’étudie en commerce et non en droit, ça m’a embrouillé quand tu as parlé de « pro bono ».

Jade esquissa un mouvement de recul. À contrecœur, il desserra son étreinte, mais elle se ravisa et se blottit entre ses bras.

— Baveux.

— Je suis pas certain de vouloir comprendre la signification de cette expression-là… Tu souris, non ?

— Non.

Le rire discret de Jade lui confirma qu’il avait raison, mais surtout que sa tristesse s’atténuait peu à peu. Hormis les câlins que sa sœur lui offrait de temps à autre pour le réconforter, Seonjae n’avait pas souvenir d’une accolade qui l’avait apaisé comme maintenant.

© Illustration : Karine Raymond (info@karineraymond.com)


[1] Si le lien entre la société actuelle et la conception de l’amour vous intéresse, je vous suggère de plonger dans Réinventer l’amour, un essai étoffé et magnifiquement écrit par Mona Chollet.


Vos personnages & leurs rêves

Définir le rêve de notre héros est un outil efficace pour comprendre son contexte de vie ainsi que sa dualité intérieure. Par exemple, imaginons que Sébastien rêvait de poursuivre ses études à l’Université du Québec à Montréal en Communication. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?

Le contexte

La distance. Sébastien vit en région et il devra déménager en ville, à plusieurs heures de route de sa famille et ses amis. Continuer la lecture de Vos personnages & leurs rêves

Écrire comme à Hollywood

L’automne passé, un ami qui travaille dans le domaine du cinéma m’a lancé : « Tu devrais écrire un scénario ! » Les codes d’un scénario diffèrent de ceux du roman, mais trop curieuse, j’ai quand même fouillé les tops 10 des guides sur le Web. Au travers de ces listes, un ouvrage se démarquait : Screenplay : The Foundations of Screenwriting[1] de Syd Field. « Pourquoi pas ? » me suis-je dit en le commandant. J’étais loin de me douter que ce livre me fournirait un outil indispensable pour structurer mon prochain roman. Continuer la lecture de Écrire comme à Hollywood

Repos & créativité

Depuis plus de trois ans, je concentre tous mes efforts dans la guérison d’une maladie inflammatoire qui fragilise les muscles de mon corps, incluant les bras. Pour moi, guérir et écrire sont intimement liés.

Au début de 2016, un phénomène étonnant est survenu pendant l’une de mes pauses obligatoires. Continuer la lecture de Repos & créativité

Organiser la ligne du temps

Le premier jet de votre roman est complété ? C’est le moment de partir à la chasse aux incohérences armé de la ligne du temps. Dans celle-ci, j’inclus les dates des évènements passés, présents et futurs, les numéros de chapitre, un résumé de l’action, les heures, les faits à retenir, etc. Continuer la lecture de Organiser la ligne du temps

Tu peux écrire un bon dialogue

you-can-write-a-mysteryAlors que je baignais dans un imaginaire de science-fiction, je suis tombée par hasard sur You Can Write a Mystery1 de Gillian Roberts. Sous ce titre un tantinet racoleur, j’ai trouvé une mine de renseignements sur le métier d’auteur, incluant l’aspect qui me donnait le plus de fil à retordre : les dialogues. Continuer la lecture de Tu peux écrire un bon dialogue

Créer ses premiers personnages

Le travail de l’auteur consiste à inventer un monde, mais surtout du monde. Beaucoup de monde ! Auront-ils des cheveux roux, cendrés, frisés, plats, teints, ébouriffés ? Seront-ils colériques, timides, malades, éduqués, obsessifs ? De plus, les protagonistes comme les vraies personnes sont complexes et affichent des visages différents selon les circonstances. Alors quand l’imagination tombe à plat, s’inspirer de notre entourage facilite la tâche, donne l’élan de départ.

Cependant, au cours de l’écriture, la réalité peut freiner le déroulement de l’intrigue. Que faire ? Soyez à l’écoute du malaise ou de l’ennui face à tel ou tel protagoniste. Par exemple, pourquoi hésitez-vous à envoyer votre héroïne au fin fond d’une forêt tropicale infestée de tarentules géantes ? Si la réponse est : « Parce que ma meilleure amie ne ferait jamais ça ! », c’est qu’il est temps de couper les ponts et de modeler vos personnages de façon à ce qu’ils servent votre histoire et non l’inverse.

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Construire sa liste de vérification

Pour un auteur, protéger son monde intérieur est essentiel pendant la période de création. Toutefois, il vient un jour où le besoin d’une démarche structurée se fait sentir. C’est le moment de se rendre à la bibliothèque, chercher le rayon des guides pour les écrivains et choisir celui qui nous inspire.

Bien sûr, les courset les blogues sont aussi une excellente source de conseils pratiques. Pour ma part, je me suis tournée vers les livres2 et ils m’ont fourni une montagne d’informations que j’ai regroupées dans ma liste de vérification. Continuer la lecture de Construire sa liste de vérification